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En Côte d'Ivoire, la CAN ne passionne pas

Amoureuse de foot, je suis forcée de vivre la compétition de loin, dans une région de Côte d’Ivoire où les Elephants laissent indifférents… comme ailleurs au pays.

17 juin 2019, Mayo, petite commune de la sous-préfecture de Soubré, dans la région de la Nawa en Côte d’Ivoire. Nous avons posé nos valises 300 km à l’ouest d’Abidjan pour un mois de tournage. Amoureuse de foot, je pensais à la CAN, à comment j’allais vivre cette compétition cette année. Des membres de l’équipe et moi appréhendions déjà le séjour à Mayo. Comment allions-nous suivre les matchs ? Comment les habitants de cette commune accueillaient cette compétition ?

Au coup de l’envoi de la CAN le 21 juin en Égypte, il n’y a pas d’engouement dans cette petite commune comme dans les grandes villes ivoiriennes. Mayo est paisible, les habitants vaquent à leurs occupations comme à l’accoutumée… Aucune ambiance. Je me dis : attends de voir le démarrage réel de la compétition.

Le lendemain, j’ai vu du progrès. Les autorités de la ville ont installé un espace pour suivre les matchs, ils appellent ça « la place publique ». Écran, chaises, drapeau orange-blanc-vert. Je me réjouis de cet effort, mais l’affluence laisse à désirer. Je me dis : attends de voir l’entrée en lice de nos pachydermes, c’est sûr qu’on aura du beau monde. Tous les ivoiriens le savent bien, un match des Eléphants ne se regarde pas en solo, oh ça non. Je le déconseille fortement, surtout si vous avez des problèmes de cœur.

Pas de télé, pas d’ambiance dans la commune : on regarde le match sur un téléphone

Au matin du 24 juin, tout est normal. L’équipe va sur le décor du tournage. Je reste à la base avec deux autres collègues. L’espace réservé à la CAN ne nous sied pas… Ce n’est pas mouvementé, il n’y a aucune ambiance. On n’a pas de télé à la base : il faut donc trouver une solution. On doit voir le premier match des Eléphants, c’est important pour la suite.

Quand on aime, on se sacrifie. Quand on aime, on se donne à fond. Avec la connexion internet et un téléphone Android, notre problème était résolu. Nous étions concentrés tous les trois sur un petit écran de téléphone portable. De l’autre côté, sur le décor, même scénario : le match est suivi par l’équipe sur un téléphone portable, mais par intermittence, vu qu’il faut travailler. A la base, nous avons suivi tout le match : victoire 1-0 face à l’Afrique du Sud. C’était intense, on en a oublié la petitesse de l’écran. Ne dit-on pas que l’homme doit s’adapter à son environnement ? On l’a fait, mais on aussi a compris qu’il nous faut une télé et une parabole pour être à l’aise.

Mes collègues ont acheté une parabole et on a regardé les matchs avec un vidéo projecteur. Malheureusement, ça n’a pas suffi : les Eléphants ont été éliminés en quart de finale par l’Algérie après une séance de tirs aux buts malchanceuse.

(l’article continue après la vidéo)

Pendant 10 ans, nous avons eu une équipe formidable, avec des têtes d’affiche à couper le souffle : Didier Drogba, Gervinho, Yaya Touré et j’en passe. Les ivoiriens aimaient les voir sur le terrain et suivre leurs matchs. Aujourd’hui, l’équipe est en reconstruction, avec de nouvelles têtes. Les enfants, les adultes essaient de se défaire du passé. Mais ce onze ne leur donne pas envie d’oublier les retraités.

« Je ne connais presque aucun des nouveaux joueurs »

J’ai demandé à quelques riverains sur ce qu’ils pensent de l’équipe nationale. « Notre équipe a besoin d’un leader, un rassembleur, ce sont des hommes qui ont beaucoup à prouver s’ils sont unis », pour Ephraim, 28 ans. Isaac, 30 ans, avait vu venir l’élimination : « Ceux-là, sincèrement, s’ils vont loin dans cette compétition, c’est ce qui va nous étonner, sinon on sait que ça va pas. » Rachelle, 26 ans, conclut : « Je ne connais presque aucun des nouveaux joueurs, j’espère que les anciens qui sont avec eux vont montrer l’exemple. » Bref, la nouvelle équipe ivoirienne a encore beaucoup à faire pour faire vibrer les supporteurs de Mayo.

Je n’ai pas vécu cette CAN comme les années précédentes : l’engouement, la fanzone, les débats fantastiques de fans hystériques, les matchs avec les tribunes chaudes… Rien de tout ça. Mayo ne vit pas la CAN, Mayo est loin d’être Abidjan, mais avec Internet j’ai vécu ma CAN autrement.

RDV en 2021 au Cameroun. J’espère qu’ils seront prêts.

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Auteur·e

tchewolo