Boukari Ouédraogo

Les maillots maudits des sélections africaines

« Qu’est ce qui a bien pu passer par la tête des Lions indomptables pour s’habiller en jaune face au Nigeria ? Ils devaient savoir que ce maillot est maudit, ce n’est pas la première fois qu’il porte malheur au Cameroun. » Voilà ce que ce sont dit de nombreux camerounais superstitieux après la défaite de leur équipe 3-2 contre le Nigeria en huitième de finale.

Et bien, l’entraîneur Clarence Seerdorf et ses joueurs l’ont, peut-être, appris à leurs dépens. En effet, au Cameroun, une superstition bien connue prétend que le maillot jaune porte malheur aux Lions indomptables. Vous savez bien que nous sommes en Afrique, où un malheur n’arrive jamais seul. Les champions d’Afrique sortants auraient battu les légendaires rivaux du Nigeria s’ils n’avaient pas arboré cette couleur.

Par exemple, lors de la Coupe du Monde 2014, la bande à Samuel Eto’o a disputé son premier match en jaune. La malédiction a frappé puisque les Camerounais ont perdu 1-0 contre le Mexique. Malgré le retour du vert par la suite, ils ne sont jamais repris, humiliés par la Croatie (4-0) et le Brésil (4-0). Toutefois, en 1984, lorsque la sélection remportait la Coupe d’Afrique face… à qui ? Hé bien au même Nigeria, la sélection était habillée en jaune et rouge ! Oui. Comme le samedi 6 juillet 2019.

Mali, Togo, Burkina Faso : le rouge s’acharne

Le Burkina Faso n’est présent à la CAN 2019 en Égypte. Mais là-bas également, il existe une superstition concernant ces maillots maudits : la tunique rouge. En 1998, lors de la CAN organisée chez eux, les Étalons du Burkina habillés en rouge perdaient en demi-finale contre les Pharaons d’Egypte 2-0. Sur l’action du premier but, le gardien burkinabè Ibrahim Diarra repousse le ballon et tente à plusieurs reprises de le rattraper en vain. L’Egyptien Hossam Hassan ne se fait pas prier pour le crucifier. Cette action serait le signe de la malédiction du maillot rouge. Pour beaucoup, les génies ont voulu punir les Burkinabè ce jour-là. Les Étalons ont fini par troquer la tunique rouge contre le maillot blanc pour les matchs à domicile et le maillot vert pour l’extérieur. Le maillot blanc est privilégié, bien que cette couleur ne figure pas sur le drapeau national.

(l’article continue après la vidéo)

Au Mali également, la sélection de football évite depuis longtemps d’utiliser le maillot rouge, bien que cette couleur figure sur le drapeau. En réalité, la couleur rouge revêt une puissance destructrice pour beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest. Le Mali préfère ainsi ses maillots aux couleurs blanc, jaune ou vert. Par contre, certaines formations maliennes dans d’autres disciplines portent souvent des maillots rouges.

En Côte d’Ivoire, par contre, c’est le maillot blanc qui semble être maudit. Et c’est le maillot que les Éléphants portaient contre le Maroc lors de leur deuxième match de la CAN 2019. La malédiction a frappé puisqu’ils ont perdu par 1 à 0. Cependant, ce sont les mêmes couleurs qu’ils ont porté contre la Namibie qu’ils ont balayée 4 à 1. Mais bon, le but encaissé par Sylvain Ggbouho est quand même resté en travers de la gorge. Signe ou malédiction rompue ? On verra aux prochains matchs. Cependant, les Ivoiriens semblent avoir oublié leur maillot vert qui leur a offert le premier trophée en 1992.

Le jaune sourit au Togo, le vert boude l’Algérie

Au Togo, les couleurs porte-malheur sont le maillot jaune-vert et le maillot rouge. Lorsque le Togo porte ces couleurs, il perd ses matchs, selon la superstition. C’est pourquoi les Écureuils ont opté pour le maillot jaune qui était quand même le symbole de l’opposition au temps de Gilchrist Olympio. On dit là-bas qu’il fut un temps où les jeunes disparaissaient parce qu’ils étaient habillés en jaune.

Le maillot jaune porterait bonheur aux Eperviers du Togo. C’est avec ces couleurs que Adebayor et ses coéquipiers se sont qualifiés pour la Coupe du Monde 2006, pour la première fois de l’histoire du Togo et à la surprise générale. Jaune qu’on retrouve aussi sur le drapeau Togolais.

En Togo, en Algérie, la couleur porte-malheur serait le vert. C’est le site Sofoot qui raconte : « Entre 2006 et 2010, les Fennecs enfilent à huit reprises leur ensemble vert, pour des matchs contre le Gabon, le Burkina Faso, l’Argentine, le Brésil, la Gambie, le Sénégal, l’Égypte et le Malawi. Résultat des courses ? Bah, huit défaites… Et la malédiction du vert s’est poursuivie au fil des années avec, entre autres, des défaites face aux USA lors du Mondial 2010, au Mali lors des éliminatoires du Mondial 2014, à la Tunisie lors de la CAN 2013, ou même lors du match aller des barrages de la Coupe du monde 2014 contre le Burkina Faso ».

Et chez vous ? Quels sont les maillots maudits et les maillots porte-bonheur ?


En football, c’est quoi la simba ?

Les Harambees, stars du Kenya, ont battu les Taïfas de la Tanzanie, 3 buts à 2 lors du deuxième match du groupe C de la CAN 2019. L’attaquant kenyan, Michael Olunga, a marqué un but sur un geste technique magnifique qui a fait le tour des chaînes de télévision. Le commentateur de CANAL+ s’est alors exclamé : « Ah la simba ! ». Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Ce billet a été originellement publié sur lemessagerdafrique.mondoblog.org.

La simba est considérée comme le geste technique le plus parfait dans un match de football. C’est une action d’éclat qui ne laisse aucun spectateur indifférent. Une vraie œuvre d’art. Seuls les plus doués techniquement, les plus audacieux peuvent oser ce geste technique. La simba, c’est l’expression du talent pure. Tous les joueurs peuvent tenter la simba, mais seuls les joueurs de classe peuvent la réussir à la perfection.

Comme Cristiano Ronaldo

Vous vous rappelez peut-être ce geste réalisé par le Portugais Cristiano Ronaldo contre la Juventus en Ligue des Champions. Le Portugais s’était envolé à l’air, dos au mur tête en arrière pour récupérer un ballon difficilement récupérable et l’envoyer au fond des filets. Les commentateurs des chaînes de télé ont utilisé tous les superlatifs possibles pour qualifier cette action de génie.

Pour réussir cette réalisation hors du commun, il faut savoir voler. Voler haut dans le ciel. La simba est un tir de volée en extension. Dos au but, le joueur amorce une impulsion pour s’envoler. A ce moment, son dos est parallèle au sol. L’attaquant reprend alors de volée le ballon, avec le pied qui lui sert d’impulsion. Dans son envol, les deux pieds se croisent en l’air comme un ciseau. Il reprend ainsi le ballon avant qu’il ne touche le sol. D’où son nom ciseaux, la bicyclette, le chacala, le ciseau retourné ou le plus connu : la retournée acrobatique.

Et Zidane aussi

Et oui, car s’est bien d’acrobatie qu’il s’agit. Elle nécessite de la puissance, de l’esthétique, de la souplesse, une bonne coordination dans les mouvements pour surprendre adversaires et partenaires. Il a une variante comme la volée ou la demi-volée, où le ballon est frappé en pivot. Il peut toucher le sol. Dans ce cas, l’attaquant peut avoir un pied ou une main au sol. A ce sujet, la volée de Zidane en Ligue des champions est monumentale.

En cherchant les origines de la simba, je me suis rendu compte qu’il n’y a pas d’unanimité. Pour certains, l’Uruguayen Ramon Unzaga est celui qui a inventé ce geste acrobatique. Pour d’autres, c’est un joueur d’origine africaine, Chalao, qui tenta le premier. De toute façon, que ce soit l’une ou l’autre, la simba a été popularisé par un africain : Amara Simba.

Mais Amara Simba reste le maître

Natif de Dakar, Amara Simba est surnommé le roi de la bicyclette. Pendant sa carrière, il affectionnait ce geste technique. Surtout dans les situations difficiles. Décrit comme moyennement prolifique devant les buts, Amara Simba s’est quand même illustré par ce geste d’anthologie. Et ce, quand son équipe en a le plus besoin. Ce qui permettait de mieux savourer la splendeur du but. En sélection de France, Amara Simba compte trois buts dont…une retournée acrobatique.

Sur le site du journal Le Parisien, Amara Simba se rappelle la première fois qu’il a tenté ce geste sur un terrain de football :

« Le terrain était gelé. J’arrive lancé à toute vitesse dans la surface. Oumar Sène, sur un coup franc tiré de ma droite, transmet à Jean-Pierre Bosser, qui centre. J’y vais pour prendre la balle de la tête au premier poteau mais, malheureusement, je suis complètement battu, car le ballon est derrière moi. Et le seul geste que je peux réaliser pour toucher la balle, c’est celui-là. A dire vrai, tout s’est déroulé en quelques dixièmes de secondes. C’était plus instinctif qu’autre chose et comme j’étais plutôt souple, je me suis lancé en l’air sans trop calculer. »

Si ce geste technique est appelé simba, c’est donc en hommage à Amara Simba. Il en avait fait une spécialité. Alors, lorsque vous entendrez parler de retournée acrobatique, de ciseaux, de bicyclette, sachez qu’il s’agit de la simba et que c’est en hommage à Amara Simba. 


CAN 2019 : « Tous les gardiens ont le même niveau »

L’ancien gardien de buts des Étalons Mohamed Kaboré s’est prononcé sur le niveau des gardiens de but de la Coupe d’Afrique des nations. A 38 ans, avec deux CAN à son actif, il estime qu’aucun gardien n’émerge du lot pour le moment.

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Boukari Ouédraogo (B.O) : Que peut-on dire du niveau des gardiens de but lorsqu’il vous jouiez encore?

Mohamed Kaboré (M.K) : Que ce soit en Europe ou en Afrique, dans les stages, les gardiens de but sont négligés. S’il y a un domaine sur lequel il faut miser, ce sont les gardiens de but sinon ils vont disparaître dans l’avenir. C’est difficile aujourd’hui d’avoir de bons gardiens. Quand les enfants arrivent, personne ne veut être un gardien. Tout le monde veut être attaquant. Il faut savoir équilibrer car le football se joue à onze. Avec un gardien moyen, on peut avoir une très bonne équipe. Avec un très bon gardien encore, on a super équipe. Tu ne peux pas aller loin dans une compétition sans un grand gardien. Aujourd’hui, le football l’exige.

Les bons gardiens tapent vite dans l’œil

B.O : De ce que vous avez vu de la CAN 2019, pour le moment, comment jugez-vous le niveau des gardiens de but?

M.K : Dans les grandes compétitions de football, quand il y a un gardien de but qui est au-dessus du lot, il est rapidement détecté. En réalité, dans cette CAN, il n’y en a pas. Quand je regarde, tous les gardiens ont le même niveau. Ce n’est pas comme du temps du gardien égyptien El Hadary. Lorsqu’il apparaît à l’époque, il est vite remarqué. En 1998, quand Ibrahim Diarra, le gardien du Burkina, est a fait son entrée, on l’a vite détecté. Il y a pas mal de gardiens que j’ai vu tout de suite émerger. Mais pour cette CAN 2019, il n’y en a pas un qui me vient à l’esprit… A part Onana, qui a disputé la Champions League jusqu’en finale. Mais finalement, quand on regarde ses performances actuelles, il n’est pas vraiment au-dessus du lot. 

B.O : Est ce qu’il y a tout de même des gardiens qu’il faut suivre ?

M.K : Je n’ai pas eu la chance de regarder tous les matchs et tous les gardiens. Par exemple, le gardien malien Djigui Diarra, c’est un bon gardien. Le gardien égyptien, Mohamed El-Shennawy, est également bon. Pareil pour Onana, le gardien du Cameroun, je l’ai vu jouer. C’est quand même un bon gardien.

B.O : A part Kameni, Ondoa, Vincent Enyema, on ne voit pas les gardiens africains s’intégrer dans les championnats européens. Comment expliquez-vous cela ?

M.K : Avant Kameni, il y a eu les Jack Songo’o, les Thomas N’Kono même si je l’ai pas vu jouer, les Joseph Antoine Bell. Ils étaient tous très forts. Ils ont eu la chance d’être encadré dès leur plus jeune âge. Ça compte beaucoup. Moi-même, dans ma carrière, je n’ai pas eu la chance d’avoir des encadreurs dans mon enfance. J’ai juste aimé la chose. Quand on était jeunes, on a vu de grands gardiens burkinabè, on a voulu leur ressembler. On a travaillé avec les moyens du bord pour arriver à un certain niveau, et on s’est fait une place sur le plan africain. Tout le monde n’a pas cette chance. Personne ne dira le contraire, les gardiens sont négligés. Pour avoir un bon contrat pour les gardiens en Afrique, il faut avoir de la chance.

Tout passe par la formation

B.O : Vous estimez que les gardiens sont négligés. Que faut-il faire alors ?

M.K : C’est la formation. Il faut former des gens qui ont envie. Ce n’est pas parce que j’ai été un grand gardien que je peux former des jeunes gardiens. Il faut avoir l’art de transmettre ton savoir à quelqu’un d’autre. Tu peux être fort, être un grand joueur, mais tu n’as pas l’art de transmettre ce que tu as vécu. Il faut chercher des gens qui ont envie, qui ont la qualité, la capacité à transmettre leur savoir à une autre personne. Tout passe par la formation. Il faut toujours se former. Quand on forme, ça paye.


« Ancien arbitre, j’ai dirigé un match d’ouverture de la CAN en Égypte »

Les arbitres africains, comme les joueurs, rêvent d’officier à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Lassina Paré, 54 ans, fait partie de ceux qui ont eu cette chance. L’ancien arbitre burkinabé a été choisi pour le match d’ouverture de la CAN 2006 en Égypte. C’était le 20 janvier 2006 au Caire.

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Aujourd’hui à la retraite, Lassina Paré évoque avec nostalgie ses souvenirs de la CAN 2006. Avec son frère jumeau Losseni, il a eu la surprise d’être désigné pour officier pendant le match d’ouverture de cette compétition qui se déroulait aussi en Égypte. « Faire l’ouverture d’une CAN, c’est une énorme tâche parce que cela comporte beaucoup de facettes qu’il faut savoir bien gérer. A l’annonce de la nouvelle, cela a été comme un coup de massue parce que derrière la joie, il y avait la peur bleue. On se demandait pourquoi nous sur ce match et si on pourrait tirer notre épingle du jeu », me confie Lassina Paré.

L’ancien arbitre m’explique qu’un match d’ouverture de la CAN est pareil à la finale. Ce sont deux des matchs les plus suivis de la compétition. Le stade est toujours bondé. Une forte ferveur. La pression du public. Tout est au rendez-vous pour mettre la pression sur l’arbitre. En plus de cela, l’Égypte et la Libye qui s’affrontaient ce jour-là entretiennent de fortes rivalités sportives. Informés avec son frère alors qu’ils étaient au restaurant, les deux hommes en perdent l’appétit. Ils décident donc se de retirer pour retrouver leurs esprits. Finalement, hormis les difficultés pour accéder au stade du fait de l’arrivée du chef d’Etat au match d’ouverture, tout s’est bien passé, selon les souvenirs de Lassina Paré.

Des décisions déterminantes

Diriger un match d’ouverture avec beaucoup d’enjeux peut pousser l’arbitre à commettre des erreurs s’il ne maitrise pas bien son sujet. A ce propos, Lassina Paré se rappelle avoir pris une bonne décision : « il y a eu une situation de jeu où j’ai failli me tromper mais j’ai pris la bonne décision. Un joueur libyen (le gardien) a commis une faute et il y avait un penalty. Je lui ai donné un carton rouge parce qu’il était le dernier défenseur. Il a protesté parce qu’il n’était pas d’accord avec le carton rouge. Pourtant, il était le dernier défenseur ». Au débriefing après le match, l’arbitre Paré est conforté dans sa décision.

Tout n’a pas été forcément parfait pendant ce match d’ouverture. « Il y a eu une phase de jeu où j’ai mis un carton de jaune à un joueur, l’égyptien Mohamed Abou Treika, en le confondant avec un autre. Abou Treika est venu vers moi pour dire qu’il n’avait pas commis cette faute. Mais en tant qu’arbitre, on ne croit jamais les joueurs. S’il dit quelque chose et qu’il t’a trompé, tu récoltes les pots cassés », prévient Paré. Son conseil : un arbitre doit se fier uniquement à ses assistants. Ces derniers sont là pour l’aider dans ses décisions. Malgré cette mauvaise décision, Lassina Paré deviendra plus tard un bon ami de Mohamed Abou Treika.

Lassina Paré pour la VAR

Pour la première fois, la Confédération africaine de football a décidé d’introduire l’assistance vidéo (VAR) à la CAN. Lassina Paré est favorable à l’arrivée de la vidéo dans le football. « J’étais opposé à la vidéo parce que pour moi, le football doit demeurer naturel. Si c’est la machine qui doit diriger les matchs, quand elle tombe en panne, on fait comment ? (…) j’ai été d’accord avec les décideurs parce qu’ils ont pris uniquement quatre éléments sur lesquels la vidéo pouvait intervenir », apprécie notre arbitre.

Au temps de Lassina Paré, il n’y avait pas d’arbitrage vidéo. Il a eu une situation difficile qu’il a dû trancher sur le champ en contradiction avec le jugement de son assistant. « Là encore c’était un match de l’Égypte, contre le Zimbabwe. C’était ma première participation. A un certain moment, il y a eu un but sur lequel l’assistant pouvait juger que le but est bon mais il n’était pas à la bonne position pour m’aider. J’ai pris le risque de siffler pour dire que le but est rentré », commente Paré. Il sera accueilli le même soir par une haie d’honneur de ses pairs. Bien que n’ayant pas profité des avantages de la VAR, Lassina Paré estime qu’elle permet de rétablir l’équité dans le football.